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Note de l’auteur
L’idée première de
l’histoire de Quand la main lâche — sa
matrice, si j’ose dire — fut de partir du
décalage entre le “plus grand chagrin
possible” qu’un cliché sociologique attribue
à une mère perdant un enfant, et cette autre
réalité, archaïsme de tragédie ou pur
reflet du monde contemporain, perceptible au gré des
faits divers : l’infanticide où la main maternelle
ne berce plus l’enfant, mais le tue. Qu’arrive-t-il
à la mère lorsqu’elle tue l’enfant,
monstre qui disloque nos schémas tout en devenant la
proie de l’opprobre social ?
Donc donner la parole à une
anti-héroïne qui défie les
temporalités, sœur de Médée et de ces
mères anonymes d’aujourd’hui qui, un jour
apparemment identique à tous leurs autres jours, noient
leur progéniture ou la défenestrent. Et donc,
aussi, passer du côté de cette mère
assassine et rester au plus près d’elle, du
mystère de sa monstruosité, parce que tous les
monstres nous regardent, nous renvoient cette image foudroyante
et honnie de nos propres jungles dont la loi, on le sait,
n’en est pas une.
Blanche sera le nom de cette femme qui a
tué l’enfant et qui sourit.
Face à elle, une autre femme,
Ovée, journaliste de télévision que
l’histoire de Blanche fascine et finit par
enfiévrer. D’abord simplement
journaliste-enquêtrice, Ovée prépare un
documentaire et s’interroge sur Blanche. Dans un premier
temps, la recherche d’informations cède vite la
place à la volonté de rendre spectaculaire et
accrocheur ce portrait d’infanticide. Mais au-delà
de la satire (de la télévision, notammment), le
texte amène Ovée à rencontrer dans Blanche
un miroir angoissant qui lui fera quitter son rôle de
journaliste arriviste et caricaturale.
Parce qu’Ovée
s’approche irrésistiblement de cette
meurtrière génératrice de romanesque noir,
elle devient le regard-narrateur de l’histoire, le point
de vue interne qui s’acharne sur
l’indéchiffrable vérité. Tout se
passe comme si Blanche détenait quelque chose
qu’Ovée
envierait jusqu’à...
Le lien entre elles : Elie, le
père de Hans, l’enfant mort. Sa fonction sociale
est d’arroser les fleurs et les pierres des
cimetières. Il dit que la mort est un destin qui
commence. Il porte en effet en lui ce paradoxe,
récurrent dans ses propos : la conscience
simultanée de la vie et de la mort. Dans tout ce
qu’il approche, il les perçoit,
mêlées.
Animé à la fois de la
naïveté joyeuse de l’enfant et de la bravoure
du guerrier que n’effraie pas le passage dans
l’au-delà, Elie voudrait rejoindre son fils.
Apparemment soumis à la volonté des femmes, sa
virilité consiste en fait à s’arrimer
à cet amour pour l’enfant perdu.
Elie sera donc le personnage-passage : il
est à la jonction de la vie et de la mort ; il renseigne
Ovée sur Blanche et fonctionne entre elles deux comme un
catalyseur de fantasmes ; il reste finalement le gardien de la
transmission, dans l’univers de déliaison
où vivent la mère infanticide et la journaliste
en proie aux images. Père improbable, il est le
père.
Blanche, comme on dit un blanc (une
absence).
Ovée, comme l’œuf au
ventre : l’œuf, forme parfaite qui ne se
pénètre pas.
Elie, au nom de prophète,
messie/messager entre les deux femmes.
Les quatre séquences de Quand la
main lâche, dont les titres sont ouvertement explicatifs
(Blanche est en prison / Blanche est dans le passé/
Blanche est dans la tête d’Ovée /
Ovée est Blanche) verront par ailleurs
s’élaborer de troubles transferts d’un
personnage à l’autre et d’autres voix
parleront par celles des protagonistes : les mères des
héroïnes, l’enfant mort, des anonymes. Ces
diffractions doivent élargir le champ des possibles,
sans apporter pour autant une réponse et, avec elle,
l’espoir de comprendre...
... Laissons à ceux qui veulent
s’y complaire deux maladies très contemporaines et
sans doute mortifères, maladies que le texte interroge :
la maladie de la compréhension et la maladie de la
personnalité (au sens d’imperturbable
unité). Côté
“compréhension”, le discours du
théâtre ne peut pas être le discours
politique, où de mauvaises réponses
formatées, maquillées en sens et en
vérité, prennent la place de questions
taraudantes mais vitales (et sans doute vouées à
rester des questions) ; et côté
“personnalité”, le traitement de
l’image au théâtre ne peut pas être le
traitement télévisuel, où des
icônes-modèles supplantent les êtres de
chair incertaine et inquiète et humaine, saisis dans
l’aléatoire de leurs clivages.
Ce texte, en fin de compte, se veut juste
un regard sur ce qui nous fonde et que la société
trop souvent refoule : la confusion.
Bernard Souviraa
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Quand la main lâche
(création 2005)
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comme les freins ou les nerfs :
risque d'accident, assurance d'une
crise,fin d'une emprise.
Journaliste de télévision,
Ovée prépare un documentaire sur Blanche, une
jeune mère infanticide. Elle veut rendre spectaculaire
le portrait de cette femme dont le crime abominable disloque
nos schémas de société. Pour cela, elle
doit faire parler Elie, le père de l'enfant mort.
Au cours de son enquête, elle va
trouver chez Blanche un miroir vertigineux qui lui fera quitter
son rôle de reporter avide
de « sensationnel ». Une
expérience qui la mènera hors d'elle-même.
Comme si Blanche détenait quelque chose qu'Ovée
envierait jusqu'à…
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> Après Les Cauchemars de L. (2002),
la compagnie poursuit sa recherche sur l'identité et l'image
ainsi que sur l'éclatement de la narration, en mêlant
le théâtre et la vidéo. Pour cette nouvelle
création, elle a commandé un texte à Bernard
Souviraa avec comme seul postulat l'utilisation d'un dispositif
scénique à base de machinerie de théâtre
« traditionnel », de caméras
et d’écrans.
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